24.4.16

Le testament de Jacques Rigaut

























Nouvelle dispersion dadaïste chez Sotheby's Paris en deux salves : mardi 26 avril 2016 à 14h30 et mercredi 27 avril 2016 à 14h30. Les deux catalogues papier consacrés à ces ventes sont superbes. Ils sont consultables en ligne sur le site de l'étude Binoche et Giquello. L'exposition des lots chez Sotheby's au 76, rue du Faubourg Saint-Honoré mérite le déplacement. Il vous reste une journée pour vous y rendre : le lundi 25 avril 2016 de 10h à 20h. Je suis étonné du peu de succès de ces expositions de prévente, alors qu'elle sont ouvertes à tous. C'est pourtant une belle opportunité pour voir (et caresser) des œuvres en toute tranquillité, dans une atmosphère courtoise, loin des foules qui se pressent et se bousculent dans des musées anxiogènes. De quoi s'agit-il ici? De la vente de la bibliothèque de R. et B.L. dédiée à dada et au surréalisme. Dans son papier des Echos, Judith Benhamou-Huet nous révèle l'identité des vendeurs : R pour Régine, B. pour Bernard et L. pour Loliée. Cet ancien libraire de la rue de Seine a un goût sûr concernant les œuvres dadaïstes et surréalistes. Les collectionneurs et amateurs du genre étaient d'ailleurs présents à l'exposition de prévente. Lors de ma visite, j'y ai croisé entre autres l'Américain ès dada Timothy Baum et le Français cravanesque Marcel Fleiss. Le triptyque des suicidés de la société (Rigaut-Vaché-Cravan) se trouve parmi les 496 lots. Un portrait de Rigaut, Tzara et Breton accueille le visiteur de l'exposition. Une photographie extraite du lot 349, l'édition originale d'une anthologie poétique du surréalisme (1955) par Georges Hugnet, ornée de photographies et de manuscrits collés à l'ouvrage. Le tout est estimé à 150 000 euros! Rigaut apparaît également dans le lot 240 : un envoi autographe signé Paul Eluard, estimation : 3000 euros. Enfin, le lot 444 que j'aurais aimé acheter, estimé à 2 000 euros : le très beau tirage argentique d'époque représentant le groupe dada au complet lors du fameux événement dada en 1921 à l'église Saint-Julien le Pauvre. On y aperçoit au second rang Jacques Rigaut la cigarette au coin des lèvres, l'air narquois, malgré l'ambiance sinistre et pluvieuse. Parmi les trésors de cette vente, on trouve aussi la collection intégrale des numéros de la revue Littérature dans laquelle Rigaut a publié la majorité de ses textes, estimée à 7 000 euros.
Le meilleur pour la fin qui ne concerne pas cette vente : je viens de retrouver miraculeusement une sorte de testament littéraire probablement écrit par Jacques Rigaut quelques jours avant son suicide. Je vous en offre un extrait :

"Condamné à l'élégance,

selon un courant d'air fatal,

condamné à l'élégant désespoir des jeunes gens doués,

fait à la hauteur de mon cercueil. "


(Jacques Rigaut, inédit)