15.3.16

Entretien avec Jacques Rigaut


Entretien avec Hervé Lassïnce a.k.a Jacques Rigaut

Jean-Michel Ribes a réécrit cette pièce?
HL : C'est une pièce des années 70 qu'il a réécrite. Elle a été jouée en 1972 avec Gérard Darmon [qui interprétait Arthur Cravan, le comédien Stéphane Bouy tenait le rôle de Jacques Rigaut, Christian Delangre celui de Jacques Vaché]. C'est un théâtre particulier, il n'y a pas vraiment de situation entre les personnage, c'est une parole poétique qui est adressée au public. Les trois personnages dans la vraie vie ne se sont jamais croisés. Sur scène, on ne se parle jamais. La pièce est montée comme un cabaret. Nous sommes tous les trois en smoking blanc. Ce n'est pas réaliste, ni biographique. 

C'est donc une interprétation de metteur en scène?
Nos monologues sont des montages des textes de ces trois auteurs. Par exemple, je peux très bien dire des textes écrits par Jacques Vaché, qui peuvent être mêlés à des textes de Rigaut. Ribes s'est permis d'insérer ses propres mots parmi ceux de Vaché, Rigaut ou Cravan. Nous travaillons au mot près.

Est-ce que vous avez eu des indications pour jouer le rôle de Rigaut?
Très peu d'informations biographiques, hormis le côté dandy. Le sujet de la drogue a été totalement évacué. C'est un monde complètement imaginaire. La femme de Rigaut, Gladys Barber apparaît tout de même, Mina Loy la femme de Cravan également. C'est une comédienne qui interprète plusieurs rôles. Il y a beaucoup de références à la Première Guerre mondiale.

Avez-vous lu des écrits de Jacques Rigaut?
J'ai lu des extraits qui sont insérés dans le texte de la pièce. Ribes ne voulait pas trop qu'on se renseigne sur la vie des auteurs. C'est pas une pièce réaliste. Ribes souhaite montrer comment ces personnages ont été laminés par la société. Ce sont des drôles de types, ce ne sont pas des révolutionnaires comme leur siècle en a produit beaucoup, mais à leur manière, ils sont totalement dans la révolution.

Comment la pièce évoque la relation avec Gladys Barber?
La pièce montre clairement que Rigaut a épousé Gladys pour son argent : "Chaque Rolls Royce que je rencontre prolonge ma vie d'un quart d'heure." Je pense qu'elle l'aimait sincèrement, peut-être aussi à cause de ce qu'il représentait.

Propos recueillis par Jean-Luc Bitton 





Extrait :

"FINAL. Le bourgeois regarde étonné les trois corps sans vie. Il s'approche de la meneuse de revue et des deux girls assises nonchalamment près d'eux.

LE BOURGEOIS (ventre en avant, découvre les trois cadavres). Oh! Oh! Oh! Qui sont ces gens?

GIRL 1. Des hommes

LE BOURGEOIS. Ah la belle réponse! Des hommes! Je vois bien! Je ne suis pas idiot!

GIRL 2. Si…Vous êtes idiot.

LE BOURGEOIS. Ah! Ah! Bon! Et ils s'appellent comment ces braves gens?

GIRL 1.Arthur Cravan

LE BOURGEOIS. Drôle de nom.

LA MENEUSE DE REVUE. Jacques Rigaut et Jacques Vaché.

LE BOURGEOIS. (souriant) Vaché! Ah! Ah! A-t-on idée de s'appeler Vaché! Vaché! Vaché comme porcher….? Ils sont morts, n'est-ce pas?

GIRL 2. Non.

LE BOURGEOIS. Comment, non? Trois cadavres! Je ne suis pas fou quand même!

GIRL 1. Non…ça, vous n'êtes pas fou…

LE BOURGEOIS. Alors s'ils ne sont pas morts, où sont-ils? Ah! Ah!

LA MENEUSE DE REVUE. Regardez… Vous voyez au loin les marronniers…

LE BOURGEOIS. Ah oui…

GIRL 1. Derrière ces marronniers, il y a d'autres marronniers et derrière, il y a encore des marronniers qui cachent une forêt de marronniers, et bien…

LE BOURGEOIS. Eh bien?

GIRL 2. Eh bien ils sont par-delà les marronniers.

Le thème de l'Amour s'égrène au piano tandis que Cravan, Vaché et Rigaut se relèvent lentement. Ils vont tous les trois s'asseoir sur les chaises qu'ils occupaient au début de la pièce, regardent le public avec un détachement souverain tandis que le noir se fait sur scène."

Par-delà les marronniers Revu(e), Jean-Michel Ribes, Actes Sud-Papier, 2016. 13 euros





PAR-DELÀ LES MARRONNIERS
REVU(E)

texte et mise en scène : Jean-Michel Ribes, avec : Maxime d’Aboville, Michel Fau, Hervé Lassïnce, Sophie Lenoir, Alexie Ribes, Stéphane Roger, Aurore Ugolin

15 MARS - 24 AVRIL 2016 Théâtre du Rond-Point

durée : 1h30
du mardi au samedi : 20h30 - dimanche, 15h
relâche les lundis, les 20 et 27 mars