30.5.11

Michel Boujut (1940-2011)




Clap de fin pour le journaliste et critique cinématographique Michel Boujut décédé le 29 mai 2011 à l'âge de 71 ans d'une hépatite foudroyante. Qui aime le cinéma se souvient du sublime générique (voir ci-dessous) de la légendaire et mélancolique émission "Cinéma, cinémas" dont Michel Boujut était le producteur au début des années 80. Boujut était l'ami de Wim Wenders auquel il avait consacré un remarquable essai. En 1982, il avait donné carte blanche au réalisateur de "L'ami américain" pour un documentaire destiné à son émission. Wenders réalisa alors "Quand je m'éveille", une sorte de journal filmé de 17 minutes tourné en 16 mm. Le titre renvoie aux premiers mots du roman d'Emmanuel Bove "Mes amis" : "Quand je m'éveille, ma bouche est ouverte. Mes dents sont grasses : les brosser le soir serait mieux, mais je n'en ai jamais le courage. Des larmes ont séché aux coins de mes paupières. Mes épaules ne me font plus mal." Lors d'un travelling dans un appartement new-yorkais, on aperçoit d'ailleurs un exemplaire du roman. Wenders est un lecteur admirateur de Bove qu'il a connu grâce à Peter Handke son traducteur en Allemagne. J'ai eu la chance de rencontrer Handke et Wenders, mais je n'avais jamais croisé la route de Michel Boujut, jusqu'au 18 février dernier à la librairie genevoise Le Rameau d'Or, où Boujut était venu signer son dernier livre « Le jour où Gary Cooper est mort », une autobiographie dont le fil conducteur est sa désertion durant la guerre d'Algérie, qui le pousse à se cacher dans les salles obscures de Paris, où il découvre sa cinéphilie boulimique. Lors de cette chaleureuse conversation, nous avons évoqué Emmanuel Bove, les surréalistes et... Jacques Rigaut qu'il avait lu. Dans son ultime ouvrage, Boujut évoque également "le Feu follet": "Le film de Louis Malle constitue le plus sûr reflet de la ville où mon destin s'est inscrit un court moment. C'est mon décor intime, j'y retrouve mes repères, mieux que dans tout autre. Je marche dans les images d'un film que j'entendrais son auteur,pâle et défait, commenter un jour à Florence, de retour d'un voyage au long cours. Dans la fatigue du décalage horaire, un peu flottant, Malle trouve les mots justes, ceux qui collent à la fatigue existentielle de son héros, Alain Leroy, interprété si sobrement par Maurice Ronet." A la fin de notre rencontre, Michel Boujut nota les références de la biographie de Bove, je ne sais pas s'il a eu le temps de la lire, mais il me reste cette touchante dédicace qu'il m'écrivit en exergue de son livre : "Ce récit d'insoumission au temps de la sale guerre. En fraternité bovienne. Michel Boujut"