25.9.09

Le dernier mot



"Si on en veut aux gens qui se suicident, c'est parce qu'ils ont toujours le dernier mot." (Nelly Arcan, Folie, 2004)



MONTREAL — Le décès soudain de l'écrivaine québécoise Nelly Arcan, jeudi à Montréal, a toutes les apparences d'un suicide, selon ce qu'a expliqué à La Presse Canadienne l'éditeur de son dernier roman, "Paradis clef en main".

"C'est confirmé, écoutez, il y a une enquête du coroner évidemment. Je ne voudrais pas me mettre en travers de l'enquête, mais je pense qu'on peut le dire là", a dit Michel Vézina, des Editions Coups de tête.

Nelly Arcan était née en 1975.

"On va se souvenir d'elle comme d'une femme intelligente, très soucieuse de certains aspects qui gèrent nos vies, ajoute M. Vézina. Elle avait une fascination autour de la beauté, de la jeunesse éternelle, autour de la mort. C'est une grande écrivaine qu'on perd. C'est quelqu'un qui avait une façon de regarder le monde dans lequel on vit (...) de manière très lucide, très dure, sans artifices et ça même s'il y avait le paradoxe de la beauté."

Le roman auquel elle travaillait, "Paradis clef en main", risque aussi de faire jaser. M. Vézina révèle que la prémisse de base est celle d'une société dans laquelle le droit au suicide est reconnu pour tous, et non seulement pour ceux qui sont gravement malades.

Le personnage principal demeure paraplégique après avoir fait appel à une compagnie pour mettre fin à ses jours et raconte son aventure "jusqu'à la toute fin où un événement fait en sorte qu'elle décide de prendre le partie de la vie".

"Ce qui est vraiment hallucinemment paradoxal, c'est que c'est un hommage à la vie, c'est un hymne à la vie, c'est un livre contre le suicide, a lancé M. Vézina. Personnellement je pense que c'est très dangereux, très malsain que de faire ce genre de rapprochement-là, parce que je ne crois pas que le suicide de Nelly ait été prémédité à ce point-là."

Il rappelle que lors de la mort du chanteur Dédé Fortin, ses chansons ont été épluchées à la recherche d'indices qui auraient pu laisser présager son suicide.

"Elle était dans ses écrits telle qu'elle était dans la vie. Il n'y avait pas de faux-semblant dans Nelly Arcan", poursuit M. Vézina.

Pour sa part, la journaliste Denise Bombardier, qui côtoyait Nelly Arcan depuis la parution de son premier roman, "Putain" en 2001, affirme ne pas avoir été surprise d'apprendre sa disparition.

"Dans ces milieux-là on aime les confidences, mais ce qu'elle confiait c'était une douleur terrible, a-t-elle dit. Et même si on la présentait comme quelqu'un qui s'en est sorti et que ça n'avait pas laissé de traces, on voit bien que cette jeune femme-là était habitée par la douleur et qu'elle était fragile."

Une douleur que l'écriture n'aura vraisemblablement pas réussi à soulager, ajoute Mme Bombardier.

"En écriture on invente des personnages et on leur fait vivre des choses, on leur donne des possibilités qu'on ne se donne pas à soi-même, écrire ça libère, on écrit toujours sur soi, de toutes les façons, mais dans ce cas-là ça n'aura pas été suffisant parce que son mal de l'âme était trop fort", a-t-elle dit.

Elle rappelle aussi que s'il est très "romanesque et romantique" de voir des écrivains mettre fin à leurs jours, ça ne l'est que pour les autres et qu'on oublie leur vie à eux quand on voit des gestes pareils.

Née à Lac-Mégantic, en Estrie, Nelly Arcan, de son vrai nom Isabelle Fortier, s'est surtout fait connaître en publiant les romans "Putain", "Folle" et "A ciel ouvert", aux Editions du Seuil.

En 2001, "Putain" lui avait notamment valu une nomination pour les prix Médicis et Femina, deux prix littéraires français.

Dans une chronique publiée le 26 août sur le site Web de l'hebdomadaire ICI, et qu'elle consacrait à la disparition abrupte du poète et enseignant Réjean Thomas, Mme Arcan écrivait: "La mort frappe parfois sans prévenir. La mort inopinée, qui surprend, est souvent incroyable, au sens propre du terme: on ne la réalise pas, on n'y croit pas, car rien ne nous y préparait. On en reste bouche bée (...)".

Copyright © 2009 The Canadian Press.

21.9.09

Cravan is back (2)



Arthur Cravan contre Arthur Cravan

Né à Lausanne en 1887, boxeur et poète, Arthur Cravan préfigure le mouvement Dada.

Figure multiple, admiré par Breton, le neveu d'Oscar Wilde est l'un des personnages les plus fascinants du XXe siècle.

On l'a dit excentrique, provocateur, il se définissait lui-même comme le poète aux cheveux les plus courts du monde. Arthur Cravan, de son vrai nom Fabian Lloyd, est né à Lausanne avant de s'établir à Paris et de voyager à travers le monde.

Anticipateur du mouvement Dada, il fut à lui tout seul directeur de la "Revue Maintenant" dont il signait également tous les textes. Poète et critique étonnant, renversant toutes les convenances au nom d'une liberté de parole, d'un sens de la performance et de l'absurde exceptionnels. Encore inconnu du grand public, Cravan mérite d'être redécouvert, à l'instar de Jacques Vaché et Jacques Rigaut, qu'on regroupait sous le terme de suicidés de la société. La plupart des intervenants de ce documentaire sont des passionnés qui collectionnent tout ce qu'ils peuvent trouver autour de Cravan, et qui n'ont de cesse d'explorer ce maigre continent (puisque son oeuvre se résume à peu de chose), qui reste toutefois d'une force incomparable.

Avec :

Jean-Luc Bitton, écrivain, journaliste, photographe, biographe d'Emmanuel Bove, et auteur d'un livre à paraître sur Jacques Rigaut.

Philippe Dagen, spécialiste de l'art contemporain, auteur chez Grasset d'un roman intitulé Arthur Cravan n'est pas mort noyé (2008)

Bertrand Lacarelle, lecteur chez Gallimard, auteur d'un livre sur Vaché et d'un autre sur Cravan à paraître en 2010

Marcel Fleiss, directeur de la galerie 1900-2000 à Paris, collectionneur. A coordonné une exposition sur Cravan à Paris.

Ainsi que des extraits d'une émission de France-Culture sur Cravan (Surpris par la nuit), et d'une soirée thématique sur Cravan diffusée sur Arte.

Lectures: Jacques Roman et Edmond Vullioud, accompagnés au saxophone de Laurent Estoppey

Une émission préparée et réalisée par David Collin

TELECHARGER LE PODCAST DE L'EMISSION (Clic droit sur le lien + enregistrer la cible sous)

17.9.09

15.9.09

Nora de Meyenbourg (1922-2009)


Bove et sa fille Nora en août 1924

Nora de Meyenbourg était la fille de l'écrivain Emmanuel Bove. Elle a beaucoup contribué à la réhabilitation littéraire de son père tout d'abord en sauvegardant soigneusement ses manuscrits et sa correspondance qu'elle conservait dans une malle chez elle jusqu'à qu'elle décida de confier ces archives à l'Imec, mais également en participant étroitement à la réédition de l'oeuvre oubliée de ce père écrivain dont elle était fière. C'est d'ailleurs dans le cadre d'une réédition, il y a tout juste un an, que j'avais eu le plaisir de revoir Nora chez elle à Blois. Olivier Gadet, le directeur des éditions Cent pages et moi-même avions été épatés par sa vivacité d'esprit et son enthousiasme à consulter les épreuves finales de Bécon-les-Bruyères mais aussi à évoquer le souvenir d'Emmanuel. Sur la photo ci-dessus, on la voit comme murmurer une confidence dans le creux de l'oreille de son père. Nora vient de disparaître, elle sera inhumée ce jeudi à Blois. J'adresse mes condoléances à ses amis et à ses proches.




Chez Nora en septembre 2008.

13.9.09

Sarane Alexandrian (1927-2009)




C'est un mail reçu le 11 septembre à 23H36 qui m'apprend la mort de Sarane Alexandrian : "Sarane Alexandrian est mort ce matin. Voici le communiqué de presse rédigé par Christophe Dauphin et Marc Kober. Merci de prévenir vos amis et connaissances. Nous vous tiendrons au courant de la date des obsèques, qui auront lieu la semaine prochaine.Bien cordialement.Supérieur Inconnu."

COMMUNIQUE

Notre ami Sarane Alexandrian est décédé le 11 septembre 2009, à Ivry-sur-Seine, où il était hospitalisé. Le Grand Cri-chant (comme l’avait surnommé Victor Brauner) a rejoint la Fée-précieuse, son épouse, le peintre Madeleine Novarina. Résolument poète, dans la mesure où la poésie est une manière de vivre et pas seulement d’écrire, Sarane Alexandrian est né à Bagdad, où son père était le stomatologiste du roi Fayçal 1er. Durant son adolescence en France, il participe, à seize ans, à la Résistance dans le Limousin. À la même période, il est initié au dadaïsme et au non-conformisme par le dadasophe Raoul Hausmann. À vingt ans, à Paris, il devient « le bras droit d’André Breton », selon l’opinion publique, et « le théoricien n°2 du surréalisme ». André Breton lui confia d’ailleurs la direction du secrétariat de Cause, avec Georges Henein et Henri Pastoureau, pour répondre à l’afflux des jeunes candidats au groupe surréaliste venus du monde entier. Co-fondateur, en 1948, de la revue Néon et porte-parole du « Contre-groupe H » qui se regroupe autour de Victor Brauner, Alexandrian devient le chef de file de la jeune garde surréaliste (Stanislas Rodanski, Claude Tarnaud, Alain Jouffroy, Jean-Dominique Rey…), des novateurs, qui s’opposent aux orthodoxes du mouvement, en situant le surréalisme « au-delà des idées » et en accordant la priorité au « sensible ». La « rupture » avec André Breton intervint en octobre 1948, mais ne remit jamais en cause son estime et son admiration pour le fondateur du surréalisme. Depuis lors, l’importance, comme l’influence, de Sarane Alexandrian, n’ont pas tant reposé sur son activité au sein du groupe surréaliste, que sur sa démarche de continuité et de dépassement de ce mouvement. Romancier, essayiste, historien d’art, journaliste (L’Oeil, L’Express) et fondateur, en 1995, de la revue d’avant-garde Supérieur Inconnu, (dont le numéro spécial sur « l’Art de vivre » paraîtra fin septembre 2009), Sarane Alexandrian, a publié de nombreux livres, dont certains ont connu un succès international : le Surréalisme et le rêve (Gallimard, 1974), Histoire de la philosophie occulte (Seghers, 1983), Histoire de la littérature érotique (Seghers, 1989). Ses romans « d’aventures mentales », comme ses nouvelles, imbibées de poésie, sont de véritables mythes modernes écrits en autohypnose. Toutes ses oeuvres de fiction, véritables poèmes en prose, sont fondées sur le principe de la métaphore en action. Les Terres fortunées du songe, avec dix-huit dessins de Jacques Hérold, (Galilée, 1980), est indéniablement le chef-d’oeuvre de sa création, et l’une des plus hautes cimes de la prose surréaliste. Il s’agit d’un roman mythique absolument inclassable, ni science-fiction, ni allégorie, ni récit fantastique traditionnel, ni satire d’humour noir, mais tenant de tout cela ensemble. Sa dernière publication aura été Les Peintres surréalistes (Anna Graham, New-York –Paris, 2009), somme dans laquelle il démontre qu’il est l’un des meilleurs connaisseurs de l’art surréaliste. Un des titres auquel il tenait par-dessus tout aura été d’avoir animé, en vingt-neuf numéros, l’une des meilleures revues littéraires et artistiques de la dernière décennie, et d’avoir réuni autour de lui une « fratrie » ardente, qui aspire à être à la hauteur de son magnifique non-conformisme.

A consulter : Sarane Alexandrian, L’Aventure en soi, autobiographie, Le Mercure de France, 1990. Christophe Dauphin, Sarane Alexandrian ou le grand défi de l’imaginaire, Bibliothèque Mélusine, L’Âge d’Homme, 2006.
Christophe DAUPHIN Marc KOBER
Directeur des Hommes sans Epaules Rédacteur en chef
Membre du comité de rédaction de Supérieur Inconnu
de Supérieur Inconnu
(christophe.dauphin@wanadoo.fr) (marc.kober@wanadoo.fr)

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C'est un jeune homme qui vient de disparaître. "Nous avons beaucoup de choses à nous dire." m'avait confié Sarane Alexandrian au téléphone lors de notre prise de rendez-vous en mai 2006. Voici mes impressions notées après cette rencontre :


"Entretien cet après-midi avec Sarane Alexandrian. Le fondateur de la revue "Supérieur inconnu" habite au premier étage d'un immeuble de la périphérie parisienne. Des dessins colorés d'inspiration surréaliste et des photos de femmes en noir et blanc tapissent les murs de l'appartement. Notre conversation sera interrompue deux fois par la sonnerie stridente du téléphone. A chaque appel la personne à l'autre bout du fil raccrochera sans dire un mot. "Je sais qui c'est, me souffle Sarane Alexandrian, c'est une femme, elle me harcèle, elle est tombée folle amoureuse de moi, à mon âge... Mes amis trouvent ça drôle, pas moi." Extrait de l'enregistrement : "Les surréalistes de ma génération, d'après-guerre, c'était Alain Jouffroy, Stanislas Rodanski, Claude Tarnaud et moi, on avait vingt ans donc en 47, pour nous les grands maîtres du surréalisme, c'était Jacques Rigaut, Jacques Vaché et Arthur Cravan. Alain Jouffroy était plus sur Cravan, Rodanski c'était Vaché, mais alors pour Tarnaud et moi, Rigaut c'était extraordinaire! Tarnaud s'est identifié à tel point à Jacques Rigaut qu'il a eu son double, le chevalier de Salignac, qui était comme Lord Patchogue, son Lord Patchogue à lui, et c'est le chevalier de Salignac qui s'est suicidé, c'est pas Claude Tarnaud, mais vous allez voir une chose assez extraordinaire, d'après la photo de Rigaut que vous m'avez montrée, regardez une photo du chevalier de Salignac, il n'avait pas vu la photo de Rigaut..."

8.9.09

Cravan is Back in Lausanne

Générique de début du documentaire "CravanVSCravan"
de Isaki Lacuesta




Rencontre parisienne avec David Collin pour sa prochaine émission Sonar qui sera consacrée intégralement au poète-boxeur Arthur Cravan. Deux heures d'émission à écouter sur la Radio Suisse Romande, Espace 2, le 20 septembre prochain à 20H, avec des extraits des textes de Cravan lus sur un ring...et des interviews de "cravaniens" comme Bertrand Lacarelle (dont l'essai sur le poète devrait bientôt paraître chez Grasset), Marcel Fleiss, Jean-Michel Place et votre serviteur.

5.9.09

RELIQUE



Les reliques (du latin reliquiae, « restes »), sont les restes matériels qu'a ou qu'aurait laissés derrière lui un saint personnage en mourant : soit des parties de son corps, soit d'autres objets qu'il a, pour les croyants, sanctifiés par son contact. La conservation et la vénération de ces restes sont une pratique en vigueur dans plusieurs religions. Il en découle des croyances et des pratiques religieuses variées, mais aussi de vifs débats.