25.6.09

Agence(s) Générale(s) du Suicide





Exit monte au créneau pour défendre l’aide au suicide



L’association craint que les restrictions législatives ou interdictions envisagées par le Conseil fédéral ouvrent la porte à des dérives. Elle brandit déjà la menace d’un référendum

Exit monte au front. Divisé sur l’épineuse question de l’aide au suicide mais conscient que la zone grise actuelle n’est pas satisfaisante, le Conseil fédéral a décidé la semaine dernière de lancer une consultation. Parmi les variantes à l’étude, deux options se profilent: l’adoption de restrictions législatives et une interdiction pure et simple des associations d’assistance au suicide comme Exit et Dignitas. C’est dans cette perspective qu’Exit a réagi mardi.

«Nous ne sommes pas opposés à un meilleur encadrement légal. Mais restreindre nos activités ou nous interdire aurait des conséquences néfastes. Cela ne ferait qu’augmenter les souffrances humaines!» insiste son président Hans Wehrli. Jérôme Sobel, le président d’Exit Suisse romande, ajoute: «Nous gardons les yeux ouverts. S’il s’agit de surveiller notre comptabilité ou, par exemple, de mieux encadrer et former les accompagnateurs, c’est acceptable. Mais nous ne nous laisserons pas euthanasier volontairement. Si le Conseil fédéral veut bel et bien nous interdire, nous lancerons un référendum!»

Restreindre l’aide au suicide aux seuls malades dont l’issue fatale est proche et clairement établie écarterait de fait près d’un tiers des personnes qui se tournent aujourd’hui vers Exit. Les personnes tétraplégiques, atteintes de sclérose en plaques, de maladies névralgiques dégénérescentes ou encore de la maladie d’Alzheimer, et qui désirent mourir, risqueraient alors de se donner la mort toutes seules, avec un risque de ratage élevé, insiste Hans Wehrli.

Une interdiction totale des organisations aurait pour conséquence de pousser des médecins mal formés ou des proches de malades à pratiquer illégalement l’euthanasie, avec, là aussi, des risques élevés d’effets indésirables, souligne Exit. Si le natrium pentobarbital, qui ne peut aujourd’hui être remis que sur ordonnance médicale, est mal administré ou mal dosé, cela peut provoquer des vomissements, une lente agonie ou plonger la personne dans le coma. Avec parfois d’importantes séquelles au cerveau.

Dans ce débat éthique toujours très sensible, Jacques de Haller, le président de la FMH, l’association faîtière des médecins, est lui aussi monté au front. Il vient de se positionner clairement contre l’interdiction d’Exit et de Dignitas dans la SonntagsZeitung. Son argument principal: les médecins n’ont pas pour mission de faire de l’accompagnement au suicide. C’est pourtant ce qui se fait en Hollande. «Oui, mais une étude a démontré qu’il y avait des complications dans 23% des cas», rétorque Hans Wehrli. «Chez nous, grâce à notre expérience et à une formation adéquate, il n’y en a quasiment jamais.»

Au terme de la procédure de consultation – qui n’a d’ailleurs pas encore été lancée –, le Conseil fédéral pourrait aussi décider de fixer certains délais, pour permettre aux malades de changer d’avis. Mais Exit s’érige aussi contre ce scénario en raison de certaines «urgences». Fixer des délais reviendrait par exemple à laisser s’étouffer des malades souffrant d’un cancer des poumons, commente Walter Fesenbeckh, pasteur et accompagnateur.


Selon un récent sondage de L’Hebdo, 75% de la population est satisfaite de la pratique actuelle. Exit ne manque pas de le rappeler. Reste que le «tourisme de la mort» engendré par Dignitas, de même que certaines pratiques très controversées de cette association, comme le recours à des ballons à l’hélium, ont pollué le débat et inquiété le Conseil fédéral. Dignitas doit d’ailleurs régulièrement changer de «lieu de travail» en raison des voisins, peu ravis de voir chaque jour des personnes entrer dans une maison, et en ressortir quelques heures plus tard dans un cercueil.

Exit pâtit-elle de la mauvaise réputation de Dignitas? «Je ne veux pas critiquer Dignitas. Ce qui est surtout scandaleux dans ce «tourisme de la mort», c’est que des étrangers soient obligés de s’expatrier à Zurich pour mourir dignement, cela à cause de législations déficientes dans leur propre pays», rétorque Jérôme Sobel. Il estime d’ailleurs qu’une dépénalisation de l’euthanasie active directe en Suisse serait plus saine. «Mais c’est un autre débat!»

Contrairement à Dignitas, Exit ne tend pas la main aux étrangers qui ne résident pas en Suisse. L’assistance au suicide est par ailleurs gratuite. Ses 70 000 membres s’acquittent en revanche d’une cotisation annuelle de 45 francs. Selon certaines informations, Dignitas, 5000 membres seulement, pratiquerait des prix assez élevés. Récemment, son président, Ludwig Minelli, a défrayé la chronique en disant vouloir s’occuper également de gens en bonne santé.

Sur le plan fédéral, le thème de l’euthanasie et de l’aide au suicide est un véritable serpent de mer. Le débat revient sans cesse, sans véritables solutions. D’où un certain vide juridique. En 2000, le Conseil fédéral avait préféré le statu quo alors qu’il était censé trancher sur la base d’un rapport commandé par Ruth Metzler. Les experts y recommandaient même de dépénaliser l’euthanasie active directe. En 2006, le Conseil fédéral a une nouvelle fois renoncé à légiférer, malgré le vote au parlement d’une motion qui l’y contraignait. Rebelote en juillet 2008.

Aujourd’hui, trois conseillers fédéraux estimeraient nécessaire d’interdire purement et simplement Exit et Dignitas. Le Conseil fédéral sera-t-il capable de prendre une décision qui dissipera les malaises actuels sans créer de nouveaux problèmes? Délicate question…

Valérie de Graffenried / Le Temps / 24 juin 2009




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