20.3.08

Rêver à la Suisse (suite et fin)







PARIS (Reuters) - Chantal Sébire, une femme de 52 ans souffrant d'une tumeur incurable et qui venait de se voir refuser lundi par la justice une aide à mourir, a été retrouvée morte mercredi à son domicile près de Dijon, a-t-on appris de source proche du gouvernement.


Aucun détail n'était disponible dans l'immédiat sur les causes de son décès. La nouvelle de la mort de Chantal Sébire a été publiée dans un premier temps sur le site internet du quotidien régional Le Bien public.

Atteinte d'une esthésioneuroblastome, tumeur rarissime et incurable aux sinus et à la cavité nasale, qui la défigurait et la faisait atrocement souffrir depuis huit ans, cette ancienne enseignante, mère de trois enfants, avait médiatisé depuis plusieurs semaines son sort.

Elle disait vouloir être conduite vers la mort, en accord avec ses enfants et réclamait qu'on permette à son médecin de famille de lui administrer une dose mortelle de pentothal.

Elle avait donné de nombreuses interviews à la presse, écrit à l'Elysée et saisi la justice. Un juge de Dijon avait repoussé lundi sa requête, estimant qu'elle se heurtait au code de déontologie médicale, qui interdit à un médecin de donner délibérément la mort, et au code pénal, qui fait de la provocation au suicide une infraction.

"La demande de Mme Sébire, humainement concevable, ne peut juridiquement en l'état du droit prospérer (...) Même si la dégradation physique de Mme Sébire mérite la compassion, le juge, en l'état de la législation française, ne peut que rejeter la demande", concluait le jugement.

La semaine dernière, l'Elysée avait exclu toute réforme législative mais proposé une nouvelle consultation médicale chez des spécialistes parisiens à Chantal Sébire, ce qu'elle avait refusé.

LOI LEONETTI EN RÉEXAMEN

Aux journalistes, Chantal Sébire disait vouloir affronter la mort en toute conscience et en toute lucidité. "Je veux partir en faisant la fête entourée de mes enfants, amis et médecins, avant de m'endormir définitivement à l'aube", avait-elle déclaré.

Elle soulignait en effet que la loi actuelle ne lui permettrait que d'être plongée dans un coma par sédation, ce qui lui permettait au mieux de mourir, sans alimentation et sans hydratation, après dix à quinze jours d'agonie.

Alors que le gouvernement excluait la semaine dernière toute réforme sur la question de l'euthanasie, Matignon a décidé mercredi une réflexion.

Plusieurs personnalités, notamment le député PS Gaëtan Gorce et le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, mais aussi la nouvelle secrétaire d'Etat à la Famille, Nadine Morano, se sont dites mercredi plutôt favorables à une réforme.

Il s'agirait, comme en Belgique et aux Pays-Bas, de permettre aux médecins de provoquer directement la mort d'un patient, dans certains cas extrêmes, après autorisation de plusieurs commissions et dans le cas d'une demande du patient et de la famille.

Le député UMP et médecin Jean Leonetti a été chargé par le Premier ministre, François Fillon, d'une mission d'évaluation de la loi de 2005 qui porte son nom, et dont il fut rapporteur.

Elle a été mise au point après l'affaire Vincent Humbert, un jeune tétraplégique dont la mort avait été provoquée médicalement à sa demande et à celle de sa famille.

Cette loi permet "l'euthanasie passive", c'est-à-dire, pour les malades atteints de pathologies incurables en phase terminale, l'arrêt des traitements et l'administration de sédatifs, même s'ils risquent d'entrainer la mort. Elle proscrit toujours cependant "l'euthanasie active", le fait de provoquer directement la mort, et à fortiori le suicide assisté.

François Fillon charge le député "d'évaluer la mise en oeuvre concrète de la loi et de faire des propositions, pour remédier à la méconnaissance ou la mauvaise application des textes et éventuellement à l'insuffisance de la législation".

Thierry Lévêque