15.12.07

Hasard objectif

Bonjour Jean-Luc,

Je découvre, ce matin, qu'E. Breton, marbrier de son état, figure dans la liste des Breton abonnés aux réseaux téléphoniques de Paris en 1917-1918, qu'André Breton utilisa pour sa lettre-collage à Jacques Vaché (Cf. L'imprononcable jour de sa mort - Jacques Vaché - Editions Jean-Michel Place).Nord.... 13.40 Breton (E.) mon. funèb., av Cimetière-Parisien, 23, Pantin. On ne sort jamais du cercle...

La liste en question n'est pas reproduite dans la lettre-collage à Vaché, mais dans la revue Cannibale (mai 1920) sous le titre PSST.

La famille de Crevel n'y pouvait rien, la messe était dite, la réalisation du caveau étant antérieure à sa mort. Une nouvelle "visite" s'impose pour préciser la date de l'ouvrage d'E. Breton (probablement en 1914, année du suicide du père de Crevel). On est saisi d'un certain malaise lorsque l'on découvre le nom de René gravé sur un caveau de famille, à proximité d'une grande croix. Étrange compagnie en égard à sa vie (rejet du cercle familial), à ses écrits, ses engagements. La mort a des outrages, mesquins.

à suivre donc.

Renseignements pris, l'ouvrage du marbrier Breton date probablement de juillet 1914, à l'heure du décès du père de Crevel, Paul. En mai 1920, André Breton passe donc en revue ses "homonymes" dans la revue Cannibale et rencontre Crevel en novembre 1921. Hasard plus ou moins objectif, donc. Breton ne craignait pas d'enfiler les raisons sociales (je pense au [Bois&Charbons] avec Soupault). Alors pourquoi pas celle-ci, malgré lui.



ps. Michel Carassou nous livre, dans sa biographie de Crevel, les derniers instants:[...] puis griffonne quelques mots sur un papier qu'il épingle au revers de sa veste "Prière de m'incinérer. Dégoût". Nul n'aura entendu cette ultime adresse. Les fiches du conservatoire du cimetière de Montrouge indiquent que Crevel ne l'a pas été.

Nouvel élément troublant qui m'avait échappé. Au rez-de-chaussée de l'Hôtel des Grands Hommes (résidence de Breton de septembre 1918 à juillet 1920) la Maison Borniol... pompes funèbres (il y a semble-t-il une expression "va te faire voir chez Borniol" pour va au diable). Sur le forum Languefrançaise.net on peut lire: Je confirme l'origine de borniol (mais je ne connais pas son orthographe exact) comme venant des pompes funèbres du même nom et qui, dans le milieu théâtral et audiovisuel, représente un morceau de coton gratté (en général)noir utilisé pour masquer une source lumineuse, un élément indésirable (pied de caméra sur un plateau par ex) etc... Vraiment troublant au plan de l'occultation, non? Georges Sebbag résume fort bien dans [l'imprononçable jour de sa mort] le don d'André Breton (dans le cas de la lettre-collage à Vaché, mais qui fonctionne ici): pressentir un passé qu'on ignore (E.Breton « constructeur de l'ultime « demeure » de Crevel).

Cordialement,

Emmanuel