18.6.07

Quand la réalité dépasse...



Tristan Ranx m'a envoyé aujourd'hui ce courrier. Il y relate une (récente) anecdote entièrement véridique qui aurait pu tourner au fait divers. Méfiez-vous si une Suédoise commence à vous parler du "Feu follet".


"Mon ami l’écrivain Pascal Guy m’a raconté cette mésaventure qui lui est arrivé dernièrement. De sortie dans un pub, il rencontre une suédoise. La conversation est facile, les corps se rapprochent, et les pintes de bière s’enchaînent vers un dénouement connu par des millions de couples dans le monde. C’est une nuit carpe diem, et les anges passent et susurrent des mots doux. Pascal invite alors la charmante scandinave à venir chez lui. Elle accepte effrontément avec cette manière crue des filles du nord, à qui on ne la fait pas... Le tempérament latin de Pascal s’échauffe, la nuit parisienne est un sentier qui conduit vers les plaisirs du septième ciel. Arrivé dans l’appartement situé à quelques encablures de l’appartement d’Hemingway, il se sent soudain investi d’une mission étrange en proposant à la sauvage Viking de regarder l’extrait du « Feux follet » sur le blog de Jean Luc Bitton. L’idée parait étrange, comme une forme particulière de préliminaire dadaïste. Ne connaissant ni l’œuvre de Jacques Rigaut, ni celle de Drieu la Rochelle, la belle sensuelle accepte l’invitation – « C’est sur le suicide », lui explique Pascal. Elle acquiesce, curieuse. Pascal, à cet instant, sait il que le suicide est une activité suédoise à part entière ? Sait-il que le fantôme de Stig Dagerman et son inconsolable besoin de consolation rôde dans les combles de son immeuble de la Renaissance ? Le film s’enclenche, faisant perdre la notion du temps aux deux tourtereaux, noyés dans les arpèges de Satie et les déambulations de Maurice Ronet. Puis, comme une incantation hypnotique « le demain je me tue » du protagoniste clôt la séquence. Silence de mort. La Suédoise ne dit rien, les minutes passent comme ne point de non retour ou le suicidé décide d’appuyer sur la gâchette. C’est l’émotion qui submerge deux êtres que tout réunis dans la croisée d’ogive entre Eros et Thanatos... « c’est comme ça que je veux finir » dit-elle soudain, en regardant son pygmalion dadaïste dans les yeux. Pascal se sent soudain propulsé vers un destin qui lui échappe. « Comme ça ? » dit –il » espérant secrètement n’avoir pas compris... « oui, dit-elle, je veux mourir avec toi ». Un fond de romantisme noir, puisé dans la lecture de Mishima submerge Pascal et il répond par un téméraire, « Oui, suicidons-nous ! ». L’invitation au suicide est lancée. Deux shots de vodka sont bus pour sceller la folie des amants. « Tu as un couteau ? lui demande-t-elle ». C’est le côté pragmatique, realpolitik des nordiques qui vient demander son dû. En homme du sud sanguin comme un espagnol, Pascal s’empare d’ un magnifique couteau à couper le saucisson. « Taillade-moi, tue-moi » lui, crie t’elle en se jetant au sol . Dans le grand miroir Pascal aperçoit alors son reflet avec un visage blafard, un couteau à la main, une walkyrie à ses pieds et la dernière image du Feux Follet gelée sur l’Ecran. Croyez moi, d’après ce que Pascal ma dit, il n’en faut pas plus pour qu’un homme s’écroule et perde définitivement la raison, mais les choses ne s’arrêtèrent pas là... La Raison cartésienne s’impose impérativement à Pascal dont la rue porte de nom de Descartes. Il jette un dernier regard effaré vers cette image baroque d’une femme offerte au bourreau. L'homme dit non... La femme gémit à ses pieds. « Non ! hurle t-il, Non ! je ne peux pas ! » , « Vas y lui répond-t-elle, fais moi mal, tue-moi ! » Les choses vont trop loin, Rigaut ricane dans son coin d’écran, mais plus personne ne rit. Pascal jette le couteau sur le sol. La furie en sursis s’empare soudain de l’arme blanche et la brandissant devant elle, les yeux inondés par les images de Rigaut, elle abat la lame sur le bras de Pascal, entaillant l’avant bras sur trente centimètres dans le sens de la longueur. Le sang gicle. Pascal hurle. La fille se tait, se lève et disparaît dans la nuit."