29.11.06

Date limite


La cour du lycée Louis-le-Grand par Franck Chevalier


"Choisir, c'est vieillir."
(Citation de Soupault
en exergue du premier chapitre)

"Quand on est jeune c'est pour la vie" disait Soupault. Définitivement, j'aime beaucoup Soupault. C'est François Martinet qui m'a conseillé de lire Les Dernières Nuits de Paris en précisant qu'un personnage du roman pouvait bien être Jacques Rigaut. J'ai trouvé (encore un petit miracle) un exemplaire du roman à la librairie Henri Vignes sise au 57, rue Saint-Jacques dans le cinquième. Chaque fois que je passe dans cette librairie, je suis sûr d'y trouver un livre qui m'intéresse. Effectivement dans ce roman un personnage s'appelle Jacques... Extrait : " Jacques était en effet plus avide de savoir où elle allait que de la saisir par le bras ou de lui baiser les lèvres. Je compris qu'il était enfin plus amoureux du mystére que de la femme qui courait selon son destin." Il est vrai que les traits psychologiques peuvent correspondre à ceux de J.R., mais Soupault était également l'ami de Jacques Baron même s'il voyait moins ce dernier.

Hier soir après ma visite chez le libraire, je me suis rendu au lycée Louis-le-Grand pour assister à l'élection des 20 meilleurs livres de l'année par la rédaction du magazine "Lire". En traversant la grande cour du lycée, j'ai eu une pensée pour J.R. qui fut l'élève de ce prestigieux établissement. Ai jeté un coup d'oeil sur un prospectus qui proposait entre autres une liste des anciens « magnoludoviciens » (c'est ainsi qu'on appelle les élèves de ce lycée), Rigaut n'y figurait pas. Puis debout, dans la grande salle de conférences, j'ai sagement écouté les résultats des votes. J'en profite pour féliciter Jean Echenoz (fidèle lecteur de ce blog) dont le livre Ravel a été élu meilleur "roman biographique" de l'année. En revanche pas de surprise pour le premier meilleur livre de l'année : Les Bienveillantes par Jonathan Littell. Antoine Gallimard monte sur scène pour nous dire qu'il est très content et que les ventes en sont à 600 000 exemplaires. Je trouve ça étrange cette manie en France de "surconsacrer" une oeuvre, Les Bienveillantes ont déjà reçu deux prix dont pas les moindres (Prix Goncourt et Prix du roman de l'Académie française). Je serais l'auteur, je me méfierais. Sans vouloir faire de jeux de mots, trop de bienveillance nuit. J'ai toujours trouvé l'unanimité suspecte. Je me souviens plus qui (Beckett?)(1) a dit qu'à partir d'un certain nombre d'exemplaires il y a forcément un malentendu. Une amie américaine me dit avoir connu Littell quand il était enfant. "C'était un joli petit garçon, me dit-elle, un peu premier de classe et arrogant c'est vrai, mais charmant." Je n'ai pas lu Les Bienveillantes mais j'aimerais bien prendre un verre avec son auteur pour savoir ce qu'il pense de ce succès. « Les honneurs déshonorent ; le titre dégrade ; la fonction abrutit. Ecrivez ça sur les murs. » (Gustave Flaubert) - Extrait d'une lettre à Guy de Maupassant - 15 Janvier 1879

Au cocktail, je tombe sur mon éditeur, Olivier Rubinstein qui me prend fermement le bras et m'entraîne dans un coin. Je venais de répondre à une de ses lettres dans laquelle il m'interrogeait sur la date de remise de mon manuscrit. "Alors, dites moi cher ami, vous en êtes où? vous savez une biographie c'est infini...il faut savoir arrêter ses recherches." Je lui réponds que le temps joue en la faveur des biographes. "Oui et en défaveur des éditeurs", ajoute-t-il en souriant. Tout ça est de bonne guerre. J'ai tranché en fixant une date précise et lui promets de lui rendre mon manuscrit le 1er mars 2008. Donnant donnant, il s'engage à me verser le restant de mon a-valoir. N'étant pas physionomiste, je pratique peu le name-dropping mais entre deux petits-fours je rencontre Raphaël Sorin accompagné de Raphaël Enthoven; Juliette Joste des éditions Flammarion; Christophe Claro traducteur et directeur de collection au Cherche-Midi; Franck Chevalier, Pascal Bories et Jean du magazine Technikart. En partant je visite l'exposition des portraits de Gérard Rondeau et reste un long moment devant une très dure mais très belle photo du "mendiant magnifique", l'écrivain Albert Cossery dont je suis un admirateur inconditionnel.

(1) Nota Bene : Bernard Morlino me signale que l'expression: "Au-delà de 30 000 exemplaires c'est un malentendu" est de Malraux. Merci Bernard!



23.11.06

Microfilms & photocopies


"Chaque miroir porte mon nom."
(Jacques Rigaut)

Deux journées à la Bibliothèque nationale. Je ne me ferai jamais à son architecture carcérale. On en sort épuisé. Le personnel semble lutter contre la torpeur. Plusieurs photocopies dont un poème nostalgique de Tzara dans lequel J.R. est cité. Je parcours quelques livres sur le rôle des femmes dans le surréalisme. Un rôle souvent occulté. Ai commencé à lire Gilles de Pierre Drieu la Rochelle. Dans sa préface de 1942, Drieu évoque son ami J.R.

17.11.06

La main sur soi


"Feuille de vigne" par Martin Kay

Toujours dans la classification et la lecture de ma documentation. Des amis traducteurs (Philippe Aronson et Christophe Claro) me donnent un coup de main pour les textes anglais trouvés à New York. J'en profite pour les remercier.





Je poursuis également la lecture d'ouvrages qui font partie de ma bibliographie comme Porter la main sur soi de Jean Améry. De toute la littérature suicidologique ce texte me paraît de loin le plus brillant. Extrait : " (...) d'un côté la froide indifférence de la société envers l'homme, et de l'autre le souci exalté dont il fait l'objet quand il s'apprête à quitter délibérément la fédération des vivants." Rescapé d'Auschwitz, Jean Améry s'est donné la mort en 1978 à Salzbourg.

La citation du jour : "En France, pratiquement aucun auteur ne peut gagner sa vie ; toute la chaîne du livre vit du livre, sauf l'écrivain." (Jonathan Littell, auteur du livre Les Bienveillantes, Le Monde des livres, 16 novembre 2006)

15.11.06

Paquet-cadeau







Des cadeaux de Noël ici.
Merci au groupe Venus Bogardus pour
leur hommage à Jack Rigow...

10.11.06

Art Business





Coup de fil de François Buot (biographe de René Crevel) qui me prévient qu'un exemplaire des Champs magnétiques avec un envoi de Breton à Rigaut est en vente dans le nouveau catalogue d'un libraire. Cet exemplaire a donc appartenu à J.R. Qui l'a vendu? La transparence n'a pas pas sa place dans le marché de l'art dont le commerce des livres anciens et manuscrits fait partie. Motus et bouche cousue. Une loi de l'omerta, exaspérante pour les historiens, que j'avais évoquée précédemment. Pourquoi rester dans l'opacité si l'on a rien à se reprocher?
D'ailleurs pour rassurer le collectionneur, le marchand ne mentionne t-il pas pour cette édition originale "Prestigieuse provenance". Y aurait-il des provenances moins prestigieuses? A 14.500 euros l'exemplaire, l'acheteur se doit tout de même d'être tranquillisé.

8.11.06

Synchronicité


La rue de Champigny à Chennevières-sur-Marne

Les bords de Marne

La grand-mère paternelle de J.R. possédait une petite maison à Chennevières-sur-Marne au 46, rue de Champigny. Durant son enfance Jacques passera quelques étés dans cette propriété familiale en bord de Marne, non loin des guinguettes. Aujourd'hui, le 46 existe toujours mais la petite maison a disparu, cachée par de hauts murs une villa cossue la remplace.

Certains m'ont demandé des explications sur la tombe de J.R. passée au Kärcher lors de ma visite commémorative au cimetière Montmartre ce 6 novembre dernier. Lors d'une première visite en 2004, j'avais trouvé cette tombe recouverte par les fientes des corbeaux qui nichent dans le cimetière. Le courrier (ainsi que celui de l'administration funéraire) que j'ai envoyé aux propriétaires de la concession m'a été retourné avec la mention "N'habite plus à l'adresse indiquée". Il est fort probable que cette tombe soit à l'état d'abandon... J'avais alors prévenu le conservateur du cimetière qui m'avait conseillé de remplir un dossier pour sauvegarder la tombe de J.R. Selon les réglements funéraires une concession même perpétuelle à l'état d'abandon peut être reprise par la commune après exhumation des restes des personnes inhumées. Lors de ma visite du 6 novembre, des employés du cimetière s'affairaient à nettoyer des tombes à côté de celle de J.R. Ils m'ont gentiment proposé de la nettoyer. On peut constater la nette différence (avant/après) sur les clips vidéo que j'ai tournés. Je me suis également rendu compte en ratant (encore une fois) la tombe de J.R. qu'elle se trouvait à une dizaine de mètres de celle de Guy Debord (1). J'ai souvent remarqué d'heureuses et parfois troublantes coïncidences lors de mes recherches. François Martinet qui travaille depuis 20 ans sur Philippe Soupault avec qui j'ai déjeuné la semaine dernière a remarqué également ces coïncidences inattendues qui s'apparentent au fameux concept de synchronicité défini par le psychanalyste suisse Carl Jung.

(1) Guillaume Demey m'a envoyé un e-mail pour me signaler que le Guy Debord voisin de J.R. au cimetière Montmartre est un homonyme. Effectivement, les dates ne correspondent pas. L'auteur de La société du spectacle est né en 1931 et décédé (suicidant, une balle dans le coeur comme Rigaut) en 1994. Son corps a été incinéré et ses cendres dispersées (dans la Seine?).


4.11.06

Hommage à Bernard Frank (1929-2006)




Le Nouvel Observateur
du 7 au 13 octobre 2004.
La chronique de Bernard Frank.