30.9.06

Intermittents de la littérature


Jacques Rigaut, Tristan Tzara, André Breton.

Revu B.M. qui m'ouvre de nouveau sa bibliothèque d'érudit. De lui une journaliste disait : "A n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, il vous renseignera sur la couleur d'un ruban d'Aimée de Coigny, la jeune captive, l'emploi du temps du prince de Ligne le 24 septembre 1873 ou les singularités amoureuses de Claude Gellée, dit le Lorrain. B.M. a souvent raison à propos des uns et des autres et se trompe rarement sur les faits et les dates. Je pars de chez lui avec de nouvelles informations et les bras chargés de livres dont les souvenirs de la peintre Alice Alicka.

Reçu mail d'une amie dont j'apprécie le soutien. Extrait : "(...) J'ai appris ce soir par la bouche de Florian Zeller (je matais Vol de Nuit, hein, j'étais pas au Flore) que la Bourse Goncourt pour les bios venait d'être attribuée à .... 4500 euros, c'est cette bourse. Je trouve même pas les mots tellement c'est gerbant. Tu vois, les trucs privés même super bien doté comme la Bourse Hachette, quand c'est Zeller *puis* Jessica Nelson qui la chopent, c'est énervant, mais bon, c'est Lagardère, c'est du mècénat, ça ne veut rien dire, c'est pas grave. Mais là c'est une bourse de recherche. Qui va servir à acheter des sacs .... Et quand même là, faut pas charrier. J'ai pensé à toi et aux gens comme toi, qui travaillent sérieusement, qui effectuent des recherches sur le terrain..."

L'argent, le soi-disant nerf de la guerre... Depuis trois ans, je travaille à temps complet sur cette biographie. Malgré les bourses et à-valoir, c'est grâce à mes fonds personnels que j'ai pu consacrer tout mon temps à J.R., qui le mérite bien. Aujourd'hui, j'ai atteint mes limites financières, avant d'être vraiment dans le rouge, je dois songer à ma "réinsertion professionnelle". Je travaillerai donc sur cette biographie à mes heures de loisir, à moins qu'un mécène ne se manifeste ou que mon éditeur décide de me salarier (ce que font les éditeurs américains avec leurs biographes) pour que ce livre paraisse dans les meilleurs délais. Ces deux éventualités étant très improbables, il me reste à trouver un job qui me permette de continuer cette entreprise biographique. "Ce qui est bon pour vous, pour moi peut n'être pas mauvais." (Jacques Rigaut)

Pour rester dans le sujet, un ouvrage sociologique sur les intermittents du livre vient de paraître. Géraldine Bois et Bernard Lahire ont enquêté pendant trois ans sur La Condition littéraire en France. Un livre probablement instructif que devraient lire attentivement ceux qui décident de la politique culturelle dans les ministères.

Pas encore fini le Cravan de Dagen, mais je suis assez d'accord avec mon ami Bernard Morlino qui m'a envoyé ce laconique mail : Arthur Cravan: "Philippe Dagen est mort noyé dans son livre" (Grassouillet) 299 euros, 17,90 pages.

Jefferson rencontré au prix Roman de la FNAC (qui met dix jours à vous envoyer un livre acheté sur leur site) m'assure que Debord mentionne Rigaut dans ses textes. Il a aperçu le nom de J.R. dans les oeuvres de Guy Debord publiées par Gallimard. Pas d'index...le Quarto fait 1904 pages...

Pour finir sur une note d'espoir, ai rencontré l'enthousiaste Jean-Baptiste Gendarme (c'est son vrai nom?), le rédacteur en chef de la revue littéraire "décapage" qui dans son dernier numéro publie un texte de Michel Déon. Rien que pour ça, cette revue à 3 euros reconnue d'inutilité publique mérite votre attention.


"C'est comme ça et je vous emmerde." (Jacques Rigaut)



26.9.06

Arthur et Philippe sont dans un bateau...



Ai reçu ce matin par la poste (merci Elsa) le roman de Philippe Dagen inspiré par les vies du poète-boxeur Arthur Cravan. Le procédé littéraire fiction biographique est un exercice séduisant mais casse-gueule... J'en suis à la page 62, je réserve mon avis la lecture achevée. Au début de son "roman" Dagen évoque les différentes thèses au sujet de la disparition du neveu d'Oscar Wilde avec cette affirmation-objection : "Arthur Cravan n'est pas mort noyé dans le golfe du Mexique." Aujourd'hui encore la mort de Cravan reste une énigme. Malgré les louables efforts de Maria Lluisa Borras qui raconte dans son livre "Cravan. Une stratégie du scandale" la brève vie du fondateur de la revue "Maintenant", on n'est pas plus éclairé. La période mexicaine de la vie de Cravan mériterait une investigation poussée. Il est impossible que "Colossus" n'ait pas laissé de traces de ses pérégrinations au Mexique. Avis aux candidats. De toutes les versions de la disparition de Cravan, j'ai retenu la plus récente et la plus poétique, celle du biographe de sa femme Mina Loy : " Cravan was so excited that he decided to test the boat that same day. While Mina waved from the pier, a breeze caught the sail and Cravan set off. She watched the boat rush toward the open sea and the sail dip out of sight. As his friends waited nervously for him to return from Puerto Angel, she grew worried. After several days, when there was no sign of him, Mina became so frightened that she could neither speak nor move. She waited for him on the beach, wrapped up in his coat. But Cravan did not return. She never saw again." ("Becoming Modern, The Life of Mina Loy" par Carolyn Burke)

On m'a souvent posé la question : quelle aurait été la vie de Jacques Rigaut s'il ne s'était pas suicidé? J'en ai aucune idée et je laisse le soin à d'autres de lui (ré) inventer une vie. Je songe à l'ami de J.R., Pierre de Massot qui refusant tout compromis a fini sa vie dans la pauvreté. Quant à Rigaut, il s'était amusé dans le texte Un brillant sujet à imaginer une machine à remonter le temps dont le héros Palentête (balle en tête?) se servait pour refaire sa vie...

Julien Cernobori, journaliste à France Inter est venu m'interviewer dans le cadre d'une émission qui sera consacrée à Emmanuel Bove et à la sortie du film "Le Pressentiment". Cette émission "L'humeur vagabonde" sera diffusée sur France Inter le jeudi 28 septembre à 20h10. L'invité sera Jean-Pierre Darroussin, réalisateur et rôle principal du film.

23.9.06

Tout (ou presque) sur Henri Calet


Jean-Pierre Baril lors de sa soutenance de thèse à la Sorbonne.

"Docteur ès Lettres avec la mention Très Honorable et les félicitations du jury, à l'unanimité." Ce 21 septembre 2006, dans une salle du service des doctorats de la Sorbonne, après quatre heures de discussions, de débats (passionnés et passionnants) et de délibérations, le jury rendait ainsi son verdict concernant la thèse du doctorant Jean-Pierre Baril. Ce titre élogieux et mérité mettait un point final à dix années de recherches sur la vie et l'oeuvre d'Henri Calet qui écrivit dans Peau d'ours son dernier livre posthume :"Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes." (Fameuse citation reprise par le chanteur Miossec dans son dernier album : "L'étreinte".) La consécration universitaire de ce travail monumental aura des suites promises par Jean-Pierre Baril : la publication de textes inédits de l'auteur de La Belle Lurette et une grande biographie attendue avec impatience par les admirateurs de Calet.

Voici quelques détails sur cette thèse et des extraits de son introduction. Merci à Jean-Pierre Baril de m'avoir autorisé cette publication.


THESE DE DOCTORAT EN LITTERATURE ET CIVILISATION FRANÇAISE
UNIVERSITE DE PARIS III-SORBONNE NOUVELLE



Titre : Henri Calet. Bibliogaphie critique 1931-2003


Volume I : L'Oeuvre d'Henri Calet
[Écrits littéraires, radiophoniques et cinématographiques 1931-2003.]
401 pages.

Volume II : L'Oeuvre d'Henri Calet
[Écrits littéraires, radiophoniques et cinématographiques 1931-2003.]
402 pages.

L'ensemble formé par les vol. I et II comprend donc 803 pages, auxquelles s'ajoutent 35 illustrations noir et blanc et couleurs.

Volume III : Le Tout sur Calet (ou presque)
[La réception critique 1934-2003.]
463 pages. 1 illustration noir et blanc.

Les trois volumes comportent donc 1266 pages auxquelles s'ajoutent 36 illustrations noir et blanc et couleurs, numérotées en chiffres romains.
Au total, par conséquent : 1266 + 36 = 1302 pages.

le jury :

Marc Dambre, directeur de thèse (université de Paris III)
Alain Schaffner, président du jury (université de Paris III)
Yves Baudelle (université de Lille III)
Dominique Rabaté (université de Bordeaux 3)
Raymond-Josué Seckel (Bibliothèque nationale de France)


Extraits de l'introduction

"L'établissement d'une bibliographie critique des écrits de Calet se justifie par une raison sans doute plus essentielle encore, qui tient à la diversité et à la grande complexité de son oeuvre. Si Calet ne fit paraître qu'une quinzaine d'ouvrages, de 1935 à sa mort, il est aussi l'auteur de 528 textes écrits et publiés de 1933 à nos jours, auxquels s'ajoutent Huit quartiers de roture, une trentaine d'inédits et de nombreux écrits radiophoniques, télévisuels ou cinématographiques. On pourrait dire à juste titre que ce chiffre n'est pas très élevé pour un écrivain qui fut aussi journaliste et homme de radio plus d'une dizaine d'années. Mais la complexité de son oeuvre ne tient pas seulement à la quantité des textes publiés ni à leur dispersion. Elle réside avant tout dans le fait qu'après-guerre, Calet n'a cessé de remanier ses articles afin de les utiliser dans les divers domaines de son activité. Telle chronique parue en périodique (parfois reprise ailleurs et sous des titres différents) constituera la matière première d'un chapitre du Tout sur le tout, d'un ouvrage inédit, d'un recueil d'articles, d'une émission radiophonique et même d'un projet de film... Si cette circulation des textes ne lui est pas spécifique - on connaît d'autres experts paresseux dans l'art du recyclage -, Calet a tout de même exercé cette pratique avec une dextérité qui m'a plusieurs fois confondu. À partir du Tout sur le tout, l'écrivain-journaliste se fait donc l'inventeur d'une nouvelle manière d'écrire et surtout de composer ses ouvrages, petite fabrique de chroniques en tous genres et à son propre usage d'où sortiront bientôt Rêver à la suisse, Huit quartiers de roture ou Les Grandes Largeurs."

"La découverte d'un fonds d'archives d'une extrême richesse, resté longtemps inexploré, et l'oeuvre même de Calet, riche de centaines de textes suivant parfois des réseaux fort complexes - ces deux éléments justifient amplement à mes yeux le désir d'entreprendre une bibliographie raisonnée. Mais j'ai aussi poursuivi ce travail pour des raisons plus personnelles puisque après plusieurs années de recherches, j'ai souhaité faire paraître quelques recueils d'articles et diverses correspondances de l'écrivain. Pour mener à bien ces projets éditoriaux, il me fallait un instrument de recherche fiable et solide, si possible complet, qui me permettrait de ne pas rééditer les erreurs du passé concernant la publication de l'oeuvre posthume de Calet. C'est donc aussi dans ce but que j'ai forgé cet outil qui n'existait pas, dont j'avais le plus grand besoin - et je mentirais comme un arracheur de dents si je disais qu'il ne m'a pas servi... Par ailleurs, préparant une biographie de l'écrivain, je me suis nécessairement penché sur diverses correspondances de Calet. Or, si la correspondance d'un écrivain permet parfois de préciser les circonstances dans lesquelles un texte fut publié, et même de temps à autre la découverte d'un périodique ou d'un texte dont vous ignoriez jusque-là l'existence, il faut reconnaître qu'en sens inverse, l'existence d'une bibliographie facilite considérablement l'établissement et l'annotation d'une correspondance. Je crois également, tout du moins dans son travail de préparation, que la tâche et le devoir d'un biographe sont ceux d'un historien. La vie d'un écrivain, certes, ne se résume pas à la somme de ses livres, de ses écrits et de sa correspondance. Mais c'est bien la moindre des choses que de savoir ce qu'un homme a fait de sa vie avant d'en commencer le récit..."




20.9.06

Exégèse





Ai trouvé à mon retour dans ma boîte aux lettres cet hommage à J.R. d'un admirateur anonyme. Un portfolio de 24 images extraites pour la plupart du blog Rigaut. Les minuscules dimensions (6 cm x 4,3 cm) de ce portfolio rappellent celles (3,5 cm x 2 cm) des cartes de visite que faisait imprimer J.R. et qu'il distribuait à ses amis. Le ou les auteurs de cet hommage m'ont également envoyé d'autres portfolios consacrés à Louise Brooks, Francis Picabia et Marcel Duchamp. Aucun indice sur l'identité de ce ou ces admirateurs anonymes sinon l"achevé d'imprimer en et sur nos presses avignonnaises le 18 août 2006". Quels qu'ils soient, je les félicite et les remercie pour cet envoi.

Profité de ma solitude en bord de mer pour relire l'essai de Laurent Cirelli : "Jacques Rigaut, portrait tiré" (Le Dilettante, 1998). Texte parfois emphatique mais touchant par sa sincérité. Les dernières lignes peuvent renvoyer à la photo de Rigaut crucifié par Man Ray : "Jacques Rigaut est un grand mort, oui, dont le cadavre sans rémission n'en finit pas de pourrir : il rachète toute la médiocrité des vivants." Dans la typologie des suicides établie par Emile Durkheim, je ne suis pas sûr que celui de J.R. rentre dans la case "altruiste".

Ai également commencé à me replonger dans l'oeuvre de J.R. Remarqué une fois de plus l'extraordinaire densité de ses écrits. Je note tous les (nombreux) détails biographiques ainsi que les extraits liés à ses thèmes récurrents comme le suicide, la lâcheté, la paresse, l'ennui, l'argent, l'amour, le sommeil...
" (...) Je suis derrière chacun des mots que je prononce." (Ecrits, Jacques Rigaut)
Même exercice pour le Feu follet de Drieu.

4.9.06

Sortie le 6 novembre



Dernier post avant de prendre l'avion. Ce beau flyer qui annonce la sortie du disque vinyl de la chanson "Jacques Rigaut" du groupe Venus Bogardus...

2.9.06

Pause et reprise


Mae Murray dans "La fiancée masquée"(1925)
film de Josef von Sternberg et Christy Cabanne.

"Je suis amoureux de Mae Murray." (Jacques Rigaut, "Littérature", mars 1922)

Merci à Jasper Vink qui m'a envoyé cette photo de Mae Murray, vedette du cinéma muet américain qui fascinait J.R. A l'instar de son ami Drieu, Rigaut a toujours eu un penchant pour les amours exogames. Plus tard, il épousera l'Américaine Gladys Barber. Passionné egalement de cinéma, il fréquentera assidûment les salles obscures et connaîtra quelques aventures amoureuses avec de jeunes actrices en vogue...

Dans la série musicale "A tribute to Jacques Rigaut", Stefano zuccalà m'informe qu'un (défunt) groupe italien "massimo volume" a dédicacé une chanson à J.R. : "fuoco fatuo" (feu follet en italen).

Ai croisé il y a deux jours Jean-Michel Ribes qui m'annonce qu'il va reprendre en mars 2008 sa pièce Par-delà les marronniers créée en 1972 au Festival du Marais et reprise à l'Espace Cardin, dont les protagonistes ont pour noms Jacques Rigaut, Arthur Cravan, Jacques Vaché...

Sinon petite pause de deux semaines au vert, sans accès au Web ni ordinateur mais toujours en compagnie de Lord Patchogue. Deux semaines de réflexion et de lectures. A bientôt.