8.8.06

Insomnie


Chloé Delaume août 2004, @JL Bitton

"Les biographies ne sont là que pour ça, pour nourrir les vivants de la substance des morts, pour que leurs poumons s'enflent aux éventés secrets, un viol pour la bonne cause, une tournante nécrophile rythmée d'avidité à jamais insatiable. je me gorge de sa vie, je traque les anecdotes, je veux connaître ce mort pour que chaque ligne devienne non plus une devinette mais un livre ouvert, suintant ses vérités, ses vérités à lui (...) Les biographes sont émouvants avec leurs pelles de fossoyeurs, leurs pelles pleines de boue sèche, la sueur les larmes ça s'évapore tellement vite on n'a pas idée. On aperçoit sur les collines quand apparaît le crépuscule leurs frêles silhouettes exsangues, courbées au-dessus du rien qu'ils espèrent un trésor. Méthodiques ils le sont, parfois même scientifiques, ils pensent que les ossements recèlent un alphabet, que le carbone 14 est plus qu'un pain total, ils ont foi en l'histoire, en l'être, en l'événement. Et surtout ils pensent ferme que la mémoire existe, qu'elle peut être cernable, ils croient aux témoignages, ils recueillent de vieux mots épinglés papillons, comme si la vérité se trouvait autre part que dans le mausolée érigé page à page par celui qui repose sous leurs coups de binettes. (...)"

(Les Juins ont tous la même peau, Rapport sur Boris Vian, Chloé Delaume, Editions La Chasse au Snark, novembre 2005)