27.4.06

"Le jour se lève, ça vous apprendra."


Fragment d'un manuscrit de Jacques Rigaut

Trois millions de visiteurs en une journée! Le site de l'INA a explosé, impossible se s'y connecter et encore moins de faire une recherche. Il faut dire que l'INA met, à partir d'aujourd'hui, à la disposition des internautes, ses archives télévisuelles et radiophoniques. 10.000 heures de programmes, une offre à 80 % gratuite! Ces 10.000 heures représentent seulement 10% du fonds de l'INA... Quant la tempête sera passée, je testerai cette offre pour tenter d'y trouver des entretiens qui datent du début des années 70 autour de J.R. dont un entretien avec René Clair qui m'intéresse tout particulièrement. Je serais étonné de les trouver on line et en accès libre. D'autant plus que la phonothèque de l'INA m'a envoyé un mail cet après-midi pour m'avertir que ces trois entretiens étaient à ma disposition à leur centre de consultation à la Bibliothèque nationale. Saluons tout de même la belle initiative de l'INA qui chaque année mettra en ligne 5000 nouvelles heures de programme... Que la BN en prenne de la graine! Monsieur Jean-Noël Jeanneney, il en est où votre chantier de numérisation?

Plongée dans le fonds Jean Cocteau à la bibliothèque historique de la ville de Paris. La responsable du fonds m'accueille chaleureusement. Rigaut a fréquenté Cocteau. J'ai retrouvé aux USA une lettre de J.R. à J.C. Reste à déterminer la nature de leur relation. L'auteur des Enfants Terribles connaissait tout le monde...

Consultation entre autres du dossier du film "Le sang d'un poète". En janvier 1932 au Vieux-Colombier avant la projection du film, Cocteau donna une conférence : "L'oeuvre du poète le déteste et le mange. Il n'y a pas de place ensemble pour le poète et son oeuvre sur la terre. L'oeuvre profite du poète et c'est après sa mort que le poète profitera d'elle. Au reste, le public aime mieux les poètes morts et il a raison. Un poète qui n'est pas mort est un anachronisme."

Une citation pour biographe méditant : " [Céline] ajoute que, si je voulais faire sa biographie, je n'aurais qu'à me servir de mon imagination, causer avec ses amis, dessiner mon propre portrait en le donnant pour le sien, me réserver toutes les questions intelligentes et lui laisser toutes les réponse stupides." (Milton Hindus, "L.-F. Céline tel que je l'ai vu")

23.4.06

Un air de famille



Ai commandé sur Priceminister l'autobiographie du comédien Georges Sanders. Né en 1906 à Saint Petersbourg, ce dandy cynique qui cracha dans la soupe tiède d'Hollywood et ne se déclara doué que pour l'oisiveté, mit fin à ses jours en 1972 dans un hôtel au sud de Barcelone. Noël Coward dit de Sanders : "Il possède plus de talents que n'importe lequel d'entre nous mais il n'en fait rien." Extrait de "Mémoires d'une fripouille" : "Ma méchanceté était d'un genre nouveau. J'étais infect mais jamais grossier. Une espèce de canaille aristocratique. Si le scénario exigeait de moi de tuer ou d'estropier quelqu'un, je le faisais toujours de manière bien élevée et, si j'ose dire, avec bon goût. En plus, je portais toujours une chemise impeccable. J'étais le type de traître qui détestait tacher de sang ses vêtements ; pas tellement parce que je redoutais d'être découvert, mais parce que je tenais à demeurer propre sur moi." Avant de baisser le rideau, Sanders écrivit ces derniers mots : "Je m'en vais parce que je m'ennuie, j'ai vécu suffisamment longtemps, je vous laisse, je vous abandonne à vos soucis dans cette charmante fosse d'aisances"


"Je serai un grand mort." (Jacques Rigaut)

"La gloire d'un grand mort ne dépend pas autant qu'on le suppose du caprice des vivants. Un peu plus tôt, un peu plus tard, les noms qui méritent de survivre émergent de l'oubli pour s'ancrer dans la mémoire des hommes." (Guy-Charles Cros)

22.4.06

Ouverture de la pêche



Hier, à la phonotèque de l'INA, pour écouter la bande d'une émission de radio de 1970 consacrée à J.R. à l'occasion de la publication des "Ecrits" chez Gallimard. Soupault, invité à l'émission, raconte une troisième version de l'anecdote des fleurs et des chocolats. Il défend maladroitement la mémoire de son ami Rigaut en critiquant le travail de Martin Kay : "J.R. n'était pas du tout le personnage que le livre de Monsieur Kay représente." Martin Kay, indulgent, laisse passer l'orage, puis se défend en fin d'émission : "Ce n'est peut-être pas le même homme que vous avez connu, ce n'est pas Rigaut que je connais, mais je connais un homme qui vaut la peine d'être connu."

Poursuite de la lecture de la bio de Rimbaud. Son biographe Jean-Jacques Lefrère a l'humilité de reconnaître ce qu'il n'a pas découvert, ce qu'il ne sait pas. Il questionne, il s'interroge, utilise le conditionnel. Ces doutes et interrogations ne signifient pas faiblesse ou défaillance mais renforcent au contraire la crédibilité de ses recherches. Sans oublier l'humour nécessaire (sur soi-même et son travail) à toute entreprise de reconstitution. En exergue du chapitre premier, Lefrère a mis cette citation : "Je ne prétends rien, capitaine, j'essaie simplement d'y voir clair." (Tintin, L'Affaire Tournesol.)

Dans la série (désormais récurrente) "quand nos amis font des choses bien, il faut en parler", je signale la parution du dernier opus de mon ami "pohète" Jacques Barbaut, "L'ouverture de la pêche". Jacques m'a avoué récemment qu'il n'est jamais allé à la pêche. Si on ne peut plus se fier à ses amis, où va-t-on?

20.4.06

Visite surprise


La clinique de Saint-Mandé

Pélerinage à Saint-Mandé où se trouve la clinique dans laquelle J.R. séjourna pour une cure de désintoxication. Des trois établissements que fréquenta Rigaut, c'est le seul qui existe encore et à avoir conservé sa fonction médicale. Depuis un an, je suis en contact avec cette clinique privée pour consulter leurs archives où se trouvent entre autres les registres d'entrées et de sorties des patients qui me permettraient de connaître les dates exactes de l'hospitalisation de J.R. Depuis un an, je téléphone et envoie des courriers, en vain. Au fil des mois, les réponses à mes demandes deviennent de plus en plus contradictoires et saugrenues : délocalisation des archives, inondations, manque de temps, etc. La secrétaire médicale qui me reçoit cet après-midi prend note de ma énième demande tout en m'avouant qu'elle est "débordée". Je lui fait tout de même remarquer que ça fait plus d'un an que je leur sollicite une information. Elle me conseille en souriant d'écrire directement à la directrice de la clinique, ce que j'avais déjà fait, mais entre-temps la direction a changé... N'est-ce pas typiquement français que de ne savoir dire ni oui ni non?

Lors de mes recherches à la BN, ai trouvé cette citation de Jean-Bernard Passerieu (chroniqueur de la vie de Paris) qui illustre bien mon post d'aujourd'hui : " La persévérance, c'est de la volonté en bouteille, elle se conserve, et, comme le bon Bordeaux, elle se bonifie avec le temps."

:)

17.4.06

Des nouvelles de New York


Shannon
(Gladys Barber, l'épouse de J.R.
était son arrière-grand-mère
paternelle...) Photo : Cati Laporte

Ai reçu un mail de Shannon qui me redonne un peu d'espoir concernant mes pistes américaines :

"Jean-Luc,
It was so lovely to hear from you and the timing was perfect. I am going back to Tucson, where my father lives, last that I knew, I am planning to try and find out information on his location. All of this information about my grandmother will be so helpful. I will be intouch with you after I am able to do some research. I imagine it will be around the 17th or 18th of April before I am settled and have any leads but I will keep you posted. Any other information that you find I would love to have and of course I will do the same. Hope that all is well and again, thank you so much!

Best,
Shannon"

Dans la série "quand nos amis font des choses bien, il faut en parler", je conseille à ceux qui s'intéressent à l'art de mettre dans leurs favoris le nouveau blog de Judith Benhamou-Huet, journaliste et écrivain ("la femme cuillère" son prochain livre en collaboration avec la photographe Valérie Jouve sort le 6 mai prochain). Judith tient entre autres des rubriques hebdomaires sur l'art et le marché de l'art dans Les Echos, Le Point et une rubrique mensuelle dans Artpress.


Demain soir à Caen pour une soirée hommage à Emmanuel Bove.

13.4.06

La BN, mode d'emploi


Le suicidé, par Edouard Manet.

A ma connaissance, "Suicide, mode d'emploi. Histoire, technique, actualité" de Claude Guillon et Yves Le Bonniec reste le seul livre en France, vingt-quatre ans après sa parution en 1982, a être interdit de réédition et de diffusion sous peine de poursuites judiciaires grâce à la loi d'exception (supposée réprimer la "provocation au suicide") votée par le parlement en 1987, suite aux batailles juridiques engagées par les adversaires de l'ouvrage. En 2004, Claude Guillon racontait dans un livre passionnant (Le droit à la mort. Suicide mode d'emploi, ses lecteurs et ses juges) toutes les coulisses de cette affaire.

Dans la table des matières de la première édition de "Suicide, mode d'emploi", on trouve au chapitre VI intitulé "Une revendication révolutionnaire" les noms, entre autres, de Vaché et Rigaut... Pour les besoins de mes recherches, je dois donc consulter ce livre. A la Bibliothèque nationale, ledit ouvrage n'est consultable qu'exceptionnellement et sur autorisation du directeur du département auquel il est rattaché. Après une demande de communication en bonne et due forme, l'autorisation m'est accordée de consulter le microforme du livre. Le problème c'est qu'il y a deux jours en banque de salle de consultation, le microforme était répertorié "manque en place". Le livre sulfureux aurait-il rejoint l'"enfer de la BN"?

Ai reçu ce matin par la poste, deux nouvelles photos de J.R. Toujours cette même émotion à découvrir des documents inédits. Sur l'une des photos, J.R. assis à un bureau corrige les épreuves d'un manuscrit...

10.4.06

Jacques Rimbaud


Le poète Christophe Tarkos (1964-2004)
Photographie : Olivier Roller

Introduction du chapitre VI (Avec l'assentiment des grands héliotropes) de la monumentale biographie de Rimbaud écrite par Jean-Jacques Lefrère.

"Dans l'histoire de la fortune et des infortunes de Rimbaud se côtoient les collectionneurs jaloux refusant de laisser entrevoir leurs trésors, les biographes exaltés, les faussaires tortueux, les savants érudits jusqu'à la fureur." (Michel Pierssens, "Rimbaud pluriel", La Quinzaine littéraire, 1er-15 novembre 1999."


"Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. Et je l'ai trouvée amère. Et je l'ai injuriée." (Arthur Rimbaud)

"J'ai trouvé un jour ma chemise assise sur mes genoux, je l'ai appelée Beauté. Je suis depuis un peintre de chemises." (Jacques Rigaut)

Rimbaud/Rigaut, ces deux "sans-coeur".

Quand nos amis font des choses bien, il faut en parler. Je conseille aux Rennais d'aller voir le spectacle de la Compagnie Udre-Olik, une mise en scène musicale des textes du poète Tarkos mort en 2004. Ce bel hommage aura lieu ce jeudi 13 avril à 20H30 dans le cadre du festival Mythos.

"Je n'existe pas. Je fabrique des poèmes.
je suis lent, d'une grande lenteur"
(Christophe Tarkos)


Communiqué de presse

TARKOS. Philippe Languille & Fil .


FESTIVAL MYTHOS, RENNES.

JEUDI 13 AVRIL à 20h30.

Cabaret Botanique (jardins du Thabor)

Renseignements : 02 99 79 00 11


Textes : christophe Tarkos.
Interprétation des textes : Philippe LANGUILLE
Guitare électrique, pédale de boucle, contrebasse : FIL (Eric Philippon, ex. La Tordue)
Création lumière et régie : Benoît PELÉ
Production : Cie Udre-Olik, Rennes


La Cie Udre-Olik poursuit sa recherche sur le langage et l¹écriture d¹aujourd¹hui. Elle la retraduit scéniquement, musicalement, silencieusement, ouvertement, avec ce spectacle dépouillé, du nom du poète marseillais Christophe Tarkos, fondateur de la revue Poézi prolétaire, « fabricant de poèmes et de lectures par improvisation comme ça dans l¹air. Poète de la lecture ».

En avant scène, un format duo composé du comédien Philippe Languille et du guitariste-contrebassiste Fil (Eric Philippon), une confidence touchant à la folie -celles des mots et du flot de pensée- et une incantation pétrie d¹humour, de distance parfois onirique, parfois cynique et d¹envols poétiques.

Un dispositif qui n'est ni concert ni pièce de théâtre, un espace inachevé, un chantier propore à recevoir des sons, des personnages, des émotions.



Cie Udre-Olik 11 Avenue Chardonnet 35000 Rennes
Tél. 02 99 27 88 10 - udrolik@free.fr

5.4.06

Une femme qui s'appelle Caresse


Des amis de Jacques Rigaut...

Hier, improbable soirée littéraire sur le thème "work in progress" aux 9 billards, organisée par Laurence Remila. J'y rencontre Helena Villovitch et F.J. Ossang le réalisateur du film culte Docteur Chance. Il me dit qu'il a beaucoup cité J.R. dans son oeuvre. Dans un entretien, F.J. Ossang raconte qu'il évoqua Cravan et Rigaut avec Joe Strummer lors de leur première rencontre. Le rapprochement punk vs dada effectué par Greil Marcus dans "Lipstick Traces" resurgit... Je surmonte mon trac et clos la soirée en lisant des extraits du texte "Rigaut l'excentré magnifique" publié dans la N.R.F d'octobre 2004. Une soirée sans paillettes et sans DJ mais subtile et chaleureuse où les gens se parlaient et sans hurler. Reposant.

Journées à la Bibliothèque nationale. On pense toujours en avoir fini avec elle, mais elle vous rappelle à l'ordre... Parfois le temps s'arrête, se dilate, à la BN, surtout quand vous attendez votre commande et qu'après cette (longue) attente vous apprenez que le document est hors d'usage donc incommunicable mais... que vous pouvez faire une demande exceptionnelle de consultation blabla.... Je réussis tout de même à consulter quelques livres dont The Diaries of Harry Crosby, autre suicidé de l'année 1929...Il avait baptisé sa femme Caresse. Leurs amis étaient Joyce, Edith Warton, Dorothy Parker, Hart Crane...Dans sa revue "Transition" Harry Crosby écrivait : " Take Nietzsche : Die at the right time"

Silvain d'Arte Radio (et Eric) m'envoie un mail pour me prévenir qu'on peut écouter sur leur site "La vie suicidée d'un dandy dada". Cherchez l'erreur...

1.4.06

Intelligent & sans adverbe


Finale d'une lettre de Jacques Rigaut

Lecture et retranscription de lettres d'André Breton. Période 1920-23. Breton mentionne plusieurs fois Rigaut. Aucune lettre de Breton ne peut être publiée dans son intégralité. L'auteur de "Nadja" dans son testament a interdit toute publication de sa correspondance avant 2016. Pour citer dans la bio des extraits de cette correspondance forcément inédite, je devrai solliciter une autorisation de publication auprès des ayants droit.

Autre retranscription d'une correspondance inédite retrouvée miraculeusement à l'étranger. Celle d'un ami de J.R. Extrait : "Mon ami Rigaut est toujours ici et peut-être pour longtemps encore. Je suis très content. Il est vraiment intelligent; et notre amitié est assez intense."

Semaine fructueuse avec la découverte d'une photo inédite de J.R. dans un album de famille en Normandie. Je n'ai pas encore vu cette image dont on doit m'envoyer une copie. Une description par téléphone : J.R. assis dans un fauteuil en train de lire...

Une question qu'on me pose souvent : "Pourquoi Jacques Rigaut?"
Ce soir, j'ai trouvé une réponse : "Pourquoi pas lui?"