20.1.06

Culture bio


Tombe de Jacques Rigaut au cimetière Montmartre
(copyright JLB)

J'ai évoqué dans un post précédent (5/03/05) le livre de François Dosse, "Le pari biographique. Ecrire une vie" Un deuxième ouvrage sur le sujet est paru récemment : "La relation biographique. Enjeux contemporains" de Martine Boyer-Weinmann.Dans le supplément Livres de Libération du 8 décembre 2005, Claire Devarrieux critiquait l'ouvrage : "Ecrire une biographie, c'est d'abord écrire. Deux camps, dans cette affaire. D'un côté, ceux qui ne veulent voir dans la biographie que le texte, qu'ils assimilent à une fiction. De l'autre, ceux qui trouvent exagéré que la valeur (et la contrainte) documentaire passe à la trappe." Martine Boyer-Weinmann offre à ses lecteurs et aux biographes une intéressante piqure de rappel : «Ce n'est pas porter atteinte au talent littéraire du biographe, écrit-elle, que de rappeler ses responsabilités élémentaires envers le lecteur ainsi que l'existence problématique (devant être problématisée) d'une archive référentielle et testimoniale.»

J'espère que ce blog apportera ma modeste contribution à ces passionnants débats. Pour l'heure, je n'ai pas d'avis tranché sur la question bien que je sois plongé dans le genre presque tous les jours. Ma méthodologie est quasi instinctive voire désordonnée. J'ai bien conscience de perdre du temps à cause de cette désorganisation, mais je sais aussi que cette perte de temps est en ma faveur. Un biographe doit savoir perdre son temps pour mieux répondre à la question essentielle : comment mettre en scène sur le papier tous ces matériaux recueillis laborieusement au fil des années? Ce fut aujourd'hui le sujet de ma conversation téléphonique avec Olivier Stupp à propos du dernier ouvrage de Nicke Toshes, une biographie d'Arnold Rothstein, financier des premiers trafics d'héroïne en Amérique... Toshes d'après Olivier (je n'ai pas encore lu le livre) prend le parti de publier les documents in extenso, sans blabla et autres fioritures. Philippe Garnier trouve ça "brut de décoffrage et chiant comme la mort". Steve Hodel dans son livre "L'Affaire du Dahlia Noir" avait choisi également ce parti pris et son bouquin était passionnant! Entre les les digressions oiseuses des uns et le minimalisme clinique des autres, il y a un juste équilibre à trouver. Le biographe est un funambule au sommet d'une montagne de documentation sur laquelle il avance pas à pas...

Reçu e-mail de Fabrice Lefaix qui s'occupe de la revue "Etant donné", consacrée, vous l'auriez deviné, à Marcel Duchamp. Fabrice nous raconte la suite et fin (?) de l'histoire des clefs de Marcel...

"Michel Vanpeene courant 2002 me remit deux cassettes, un entretien qu'il avait mené quelques mois plus tôt avec Pierre et Jackie Matisse au sujet de Duchamp. La transcription brute de cet entretien m'a demandé une bonne semaine. Une partie de cet entretien a été publié dans le n° 4 d'Etant donné Marcel Duchamp (Les clefs de la rue Parmentier). Il y eut des coupures, mais je fus heureux de pouvoir publier ces phrases apparemment insignifiantes :



J.M.M. : Sauf qu'il avait laissé ses clefs dans sa poche ?

P.M. : Oui mais ça, Jackie, c'est le secret ! Voilà : après son incinération, on nous a demandé de vérifier le contenu de l'urne. Bernard Monnier et moi avons accepté. Ce que j'ai tout de suite remarqué parmi les cendres, c'était ses clefs. Elles étaient restées dans sa poche...

J.M.M. : Oui, les clefs de la rue Parmentier ...

P.M. : Elles étaient là, dans les cendres, elles n'avaient pas fondu. Pour moi c'était comme un miracle de voir cela, parce que cette question de secret, de clefs, a toujours tourné autour de Marcel et de son oeuvre. On nous a demandé si on voulait récupérer les clefs. J'ai tout de suite répondu : « Non, on les laisse ». Elles sont restées là, pour toujours. Cette semaine a été extraordinaire. C'était bien. C'était beau. Unique.

J.M.M. : Un beau mot pour la fin : unique !



Cette histoire de clefs est très proche du matricule 671. C'est troublant. Sans parler du ready-made assisté [15.05.1965](dont ci-joint photo) de M.D. à l'initiative de Michel Sanouillet.