13.12.05

Plein soleil


Jacques Rigaut ( photo inédite, sans date, probablement début des années 20)

Journée fructueuse. Ai trouvé chez un ayant droit, une minuscule photographie de J.R. qui m'avait échappée lors d'une première visite. Une autre règle d'or : revenir sur les lieux renfermant des archives autant de fois qu'il est possible d'y revenir. Scannée et agrandie, l'image devrait être magnifique. La photo est prise de l'intérieur d'une maison, J.R est debout (nu?) sur la terrasse ensoleillée tournant le dos à la mer, regardant l'objectif avec un léger sourire, Narcisse éblouissant. Plus tard chez Philippe Collin qui m'accueille avec beaucoup de délicatesse. Il me parle du tournage du "Feu follet", de Maurice Ronet avec lequel il passait des nuits blanches chez Castel. Tout le monde se relayait jusqu'à l'aube. Louis Malle voulait que Ronet arrive livide sur le plateau... Nous parlons de Bove, de Bram Van Velde et de Duchamp avec lequel il a réalisé plusieurs entretiens. Une belle rencontre.

Lu sur le blog de Pierre Assouline cette citation de Cioran. J.R. lui donne raison et tort en même temps, d'où l'importance d'une biographie, comme une suite logique...

« Il ne peut y avoir d'aboutissement à la vie d'un poète. C'est de tout ce qu'il n'a pas vécu que lui vient sa puissance. Plus le contenu de l'instant est nourri d'inaccessible, plus le poète est à même d'en exprimer la substance. La quantité de résistance que la vie oppose à la soif de vivre détermine la qualité du souffle poétique. L'expression se condense dans la mesure où l'existence nous échappe et le poids du mot est proportionnel au caractère fuyant du vécu. Eminesco, le plus grand poète roumain, est une des illustrations les plus probantes de l'échec qu'implique toute existence poétique. Sa vie n'est qu'une série de misères accompagnées par le pressentiment de la folie qui devait finalement les couronner. Raconter cette vie ne servirait à rien, du moment qu'elle était nécessaire, et du moment que les accidents heureux n'entachent aucunement sa pureté négative. Pourquoi faire l'histoire d'une fatalité, quand elle aurait été la même dans n'importe quelle situation du temps et de l'espace ? La biographie n'a de sens que si elle met en évidence l'élasticité d'une destinée, la somme de variables qu'elle comporte. Chez Eminesco, c'est la monotone idée de l'irréparable qui laisse prévoir dès les premiers vers ce qui devait suivre et qui rend inutiles les soucis biographiques. Ce sont les médiocres qui ont une vie. Et si on a inventé les biographies des poètes, c'est pour suppléer la vie inutile qu'ils n'ont pas eue »