27.2.05

Jacques & Mireille

Ai déjeuné vendredi dernier avec l'éditrice Claire Paulhan, discussion passionnante autour de Mireille Havet dont elle publie l'extraordinaire "Journal" depuis 2003. Le deuxième tome (1919-1924) devrait être très prochainement en librairie. Claire Paulhan me raconte la découverte quasi miraculeuse de ce monumental journal intime dans un grenier au toit percé... Je connaissais Mireille Havet de réputation mais n'avais encore rien lu d'elle, sinon quelques extraits qui m'avaient impressionné. Dans le train qui me ramenait à Paris, je savourais les pages du premier tome (1918-1919), submergé par l'émotion au point d'arrêter ma lecture les yeux embués par les larmes. Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas ressenti une telle proximité avec un auteur. Extrait : " Qui me dira pourquoi, suivant l'exemple des autres, l'être que j'adopte ne peut nourrir et vanner mon rêve plus de deux ou trois jours? J'ai donc en moi un tel puits de solitude, une telle négation de l'amour, des choses du coeur, de mots sincères et de confiance acquise. Je suis comme ces oiseaux qui n'aiment que leur plein vol, la forêt étendue à l'ombre de leurs ailes, et les cris de leurs pareils perdus sur les lacs, dans le crépuscule jaune où ils tournoient tout seuls, en proie à la nuit, aux astres, et à l'espace." En 1942, dans ses "Saisons littéraires", le critique Edmond Jaloux avec justesse et intuition réunira Vaché, Crevel, Radiguet, Mireille Havet et Jacques Rigaut dans une même génération littéraire qui "refusant les conditions communes du monde, se jetèrent dans une aventure de caractère absolu, qui les conduisit à une mort précoce." A suivre...